La BARONNE STAFFE


La généalogie mène vraiment à de belles rencontres, elles peuvent être humaines mais aussi littéraires.

Lors de la lecture d'un très vieux journal de 1906, je découvre à l'endroit des publicités, celle faite sur le livre de la Baronne Staffe « Le cabinet de Toilette », ouvrage fortement recommandé aux lectrices, donnant de nombreux conseils d'hygiène, et me voilà curieuse de découvrir ce que pensaient les mondains au début du siècle.

Je me mets en quête d'une vieille édition du livre, je trouve celle de 1899, des pages jaunies, une couverture un peu endommagée... voilà mon voyage au temps de mes arrières grands mères qui se prépare.

Je m'étais fait une certaine idée de ce que j'y trouverai à l'intérieur. Le langage d'une aristocrate donnant des conseils désormais dépassés, mais ne concernant que le grand monde et sans doute hors de portée du petit peuple auquel appartenait justement ma famille.

Dès les premières lignes j'ai été séduite par une écriture légère et moderne. Loin de trouver une femme sûre d'elle nous assommant de conseils, empêtrée dans la bonne éducation de l'époque, je découvre une femme très humaine à la portée de toutes les couches de la société, et un réel respect pour la femme qui travaille de ses mains.

Lorsque qu'elle prodigue conseils, elle décrit simplement ses expériences ou celles de ses amies, les petites choses qui marchent mais elle n'hésite pas à se retrancher derrière l'avis du médecin.

Même si on la sent convaincue de ses recettes et du bien fondé d'une certaine hygiène de l'époque, je l'ai perçue ouverte à la modernité et à la remise en question.

J'ai passé quelques heures délicieuses, me laissant bercée par ses paroles, ayant envie d'utiliser ses petits trucs, juste pour voir...

En un mot je n'ai pas perdu mon temps et j'avoue avoir hâte de découvrir d'autres ouvrages de cette dame, qui, si elle n'était pas aristocratique, n'en n'était pas moins intelligente, fine, et a bien gagné ses galons de baronne.

Voici quelques extraits du livre que j'ai appréciés et qui, peut être, vous donneront envie de lire ce livre s'il vous tombe sous la main.


Justement au sujet des mains :

Nettoyage des mains dans la journée :

« N'ayez jamais les mains souillées, mais repoussez le savon pour vous les laver, toutes les fois où il n'est pas nécessaire. Le jus de citron les débarrasse bien de certaines maculatures. Si de ce jus on humecte un peu de sel, on viendra à bout, grâce à cette simple composition de toutes les taches possibles.........
Après avoir épluché des fruits et certains légumes, un peu de jus de citron remet les mains en bon état. On les a humectées d'eau au préalable.
Après de rudes travaux qui exigent un nettoyage énergique, au lieu de vous servir d'une solution de potasse (en hiver surtout), employez donc la gelée de pétrole (scientifiquement vaseline). Cette substance fait disparaître toutes sortes de taches. On frotte les mains avec une petite quantité de gelée, celle-ci pénètre bien dans les pores de la peau et s'y incorpore avec les matières graisseuses. On se lave ensuite les mains au savon et à l'eau chaude, ce traitement les rend douces, en même temps que très nettes.
Voici comment les mains « sanctifiées » par le travail peuvent encore garder une apparence agréable, ce qui n'est pas à dédaigner, je vous assure, surtout lorsque cet avantage peut s'obtenir facilement........ »

  
Les vêtements qu'on quitte

« Ne rangez jamais immédiatement -ni dans les tiroirs, ni dans les armoires, auncun des objets de toilettes que vous dépouillez. Exposez-les ou accrochez les toujours dans une pièce aérée, pendant une heure ou moins.........
L'air comme l'eau, la chaleur du soleil, comme celle du feu, ont des propriétés désinfectantes, purifiantes qu'il faut savoir employer..... »



Comment on évite l'obésité :

"On éviterait toujours l'obésité si on ne s'adonnait jamais à la paresse, si on occupait son esprit, si on remuait son corps, si on était moins amis de ses aises, des longs sommes dans l'édredon, des stations prolongées dans un fauteuil confortable...... »


Je serais curieuse de savoir ce qu'elle penserait de notre nouvelle société. Je vous donnerai d'autres extraits de ce livre qui peut, bien sur, faire sourire mais que je trouve plein de bon sens, et tout à fait d'actualité.

 Voici la seule photo que j'ai trouvée de la Baronne Staffe, sur le blog de la Ville de Savigny sur Orge et quelques adresses de blog qui évoquent la Baronne.






L'édition que je possède est de 1891. Elle est difficile à trouver désormais et elle a trouvé une place de choix dans ma bibliothèque généalogie. 




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Après avoir publié l'article ci-dessus sur la Baronne Staffe pour qui j'éprouve une grande tendresse, j'ai décidé d'en apprendre plus sur la femme très moderne et bien plantée dans son époque, écrivain qu'elle était.

Pas facile de trouver un document qui parle d'elle d'une manière totalement objective, le temps a passé, c'est tout à fait normal. Certains diront que c'était une vieille fille qui avait pris le nom de Baronne pour se faire intégrer dans une haute société qu'elle ne connaissait pas. On peut lire aussi que n'ayant jamais eu d'enfants elle n'y connaissait rien et donnait des conseils désuets, que son pseudo venait du pseudo d'un amour de jeunesse meurtri...... et alors ? 

Je suis toujours étonnée que le succès et le fait d'être un peu hors norme déplait à certains qui se permettent de critiquer et d'apporter leur petit avis personnel sur la personne connue.

Alors après tout que penserez-vous du mien ?

Replaçons nous début 1900 où les femmes n'avaient guère leur place, sinon être une fille modèle, une épouse exemplaire et une mère parfaite. Blanche a grandi dans un milieu militaire strict où chacun avait une place : l'homme au combat pour la nation, la femme veillant à la l'éducation des enfants et à la bonne marche de la maison, vaillante, fataliste et supportant les épreuves avec courage et dignité.

Si elle est restée célibataire et a vécu avec deux de ses tantes, c'était peut être tout simplement son choix. Pourquoi aurait-elle été une amoureuse éconduite, éplorée et transie toute sa vie, fragile et romantique ? Pourquoi pas souffreteuse, un mouchoir à la main et s'évanouissant à tout propos ?

Je la verrai plutôt femme libérée et courageuse pour l'époque, ayant décidé de rester célibataire car ainsi libre de toute contrainte (ce qu'elle avait connu toute sa jeunesse et sans doute avait-on concocté pour elle un mariage avec un militaire de bonne famille). Comme son père, elle a découvert très tôt qu'elle aimait écrire (non comme lui des livrets militaires). 
Elle se penche sur ce qu'elle connait le mieux : les femmes et leurs conditions et dans le milieu qu'elle fréquentait, celui de la petite bourgeoisie et sans doute de l'aristocratie puisqu'elle évoluait dans ces milieux et devait y avoir de nombreuses relations.

Il lui fallait un nom d'écrivain accrocheur ? Qu'à cela ne tienne, elle deviendra la Baronne Staffe. BS comme Blanche Soyer de son vrai nom.

Faut-il être une vieille fille aigrie pour vivre avec deux autres femmes, ses tantes ? Je ne le pense pas. Sa maison construite grâce à ses propres gains vont lui procurer l'équilibre auquel elle aspire après s'être immergée dans le monde aristocratique et bourgeois de la haute société parisienne. 
Rien ne prouve qu'elle fut élevée par ses deux tantes puisque c'est avec elles qu'elle s'installa après avoir eu une certaine aisance financière qui lui permit l'achat de son bien.

Mais elle ne devait jamais être très loin des femmes du peuple qu'elle pouvait côtoyer à la campagne, car lorsque l'on lit le cabinet de toilette, ses conseils portent sur toutes les femmes et toutes les couches de la société.

Elle a écrit de nombreux articles que vous pourrez trouver sur le site de la Bibliothèque Nationale de France. Par ce biais j'ai pu télécharger trois ouvrages d'elle 


Il s'agit de :

- Au chevet des malades : 
- Hygiène de la femme : 
- Mes secrets :
- Usages du monde : 

J'ai aussi trouvé un article publié dans "Les Annales Politiques et Littéraires" qui parle de son décès avec une très jolie photo un peu pâle mais je relève ses petits yeux qui pétillent et un sourire qui viendrait bien se dessiner largement si le sérieux n'était pas requis à l'époque de la photographie naissante.

Voici le contenu de cet article :

« La baronne Staffe est morte...
Les anciens abonnés des Annales se rappellent son nom. Elle fut longtemps notre collaboratrice appréciée, écoutée et je dirai, presque populaire. On la consultait sur les menus problèmes des usages mondains. Elle était heureuse de remplir ce rôle d'arbitre. Elle en tirait quelque orgueil...

L'histoire de sa carrière est des plus curieuses.... Elle commença par écrire assez osbcurément dans des journaux de modes, où ses chroniques plaisaient par un certain tour élégant et aimable. 
Un éditeur lui proposa de récrire sur un plan nouveau, en l'accommodant aux mœurs modernes, l'ouvrage classique de la Comtesse de Bassonville qui avait révélé à plusieurs générations les arcanes du l'art du « savoir vivre ».... 
la baronne saurait refaire, assurément, ce que la comtesse avait si bien fait ; Le succès fut foudroyant, cent éditions de l'ouvrage en moins de deux années, s'écoulèrent. Notre charmante baronne n'ambitionnait pas une telle récompense de ses efforts. Elle accepta d'un cœur modeste cette fortune, qui passait son espérance. 
Avec ses droits d'auteur, elle acquis à Savigny sur Orge, un petit domaine où elle vieillit, heureuse, à mi-distance de la gloire et de l'oubli, ayant pour compagnes deux vénérables tantes auxquelles elle ne devait survivre que peu de temps.
La baronne Staffe était une femme bienveillante, douce, sensible. Quand on la connaissait, on l'aimait. On l'a beaucoup lue ; On la lira encore... Jusqu'à ce que une autre baronne, ou comtesse, ou marquise ou duchesse, publie, un autre manuel de la bonne compagnie. »




Témoignage très touchant de journalistes qui avaient accepté Blanche comme une des leurs. Pour l'époque gagner de tels galons était un exploit, même si nous parlons de livres mondains. 
On comprend bien qu'elle ait laissé une empreinte certaine dans ce milieu où elle avait su se faire respecter et son esprit apprécié.

Il semblerait toutefois qu'une petite erreur s'est glissée dans l'article, au sujet de ses tantes car l'une d'entres elles, Hirma lui survécut jusqu'en 1927. 
Je parle sous la dictée d'une correspondante charmante, Irène, dont j'ai fait la connaissance dernièrement et qui se trouve être liée à la famille de notre chère Blanche. 
Elle m'a donné de nombreux détails qu'elle a pu réunir au cours de ses propres recherches généalogiques et j'attends avec impatience qu'elle prenne à son tour la plume pour nous donner sa version personnelle sur la vie de Blanche.

Certificats de décès à l'appui il semble que Blanche soit décédée le 17 Août 1911, soit une quinzaine de jours après une de ses tantes Elodie (86 ans), disparue le 30 Juillet 1911. Auraient-elles succombé toutes les deux à une des nombreuses maladies infectieuses de l'époque comme la grippe ? Quant à Hirma la seconde tante, elle décédera 26 ans plus tard, le 22 avril 1927 à 89 ans.


Je me suis donc promenée sur le web afin de vous faire partager quelques avis très différents sur Blanche, émis par ses contemporains :

Petit article sympathique sur l'auteure de «usages du monde » du Blog de Frederic Ferney

Voilà ce sera tout pour le moment jusqu'au jour où j'ouvrirai un livre qu'elle aura écrit et que j'aurai de nouveau envie de partager ce plaisir de la lire avec vous.




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